Récit du grave accident de kitesurf

Récit du grave accident de kitesurf

Ce vendredi tragique, que c’est-il réellement passé ?

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La saison d’hiver que je venais de passer à La Plagne était finie depuis quelques semaines… J’attendais mon départ pour la Nouvelles Zélande où j’allais passer un deuxième hiver. Comme à chaque intersaison, je naviguais entre mes activités sportives de plein air et la maison de mes grands-parents dans l’Allier où je rassemble mes affaires. Pour ce week-end de l’Ascension, j’avais prévu de rejoindre Hervé, un ami de la Plagne, dans le midi.

Lui, très bon planchiste et moi kiter aimions naviguer ensemble ; et ce n’était pas la première fois que nous allions à l’Almanarre la plage qui se situe entre Hyères et la presqu’île de Giens.

L’Almanarre, c’est une plage de la commune de Hyères, un spot absolu de voile et de kite surf. Le vent y est assez irrégulier mais le souffle méditerranéen pouvait promettre de belles envolées.

J’ai donc pris la route ce jeudi 5 mai avec mon van Volkswagen et mon matériel de kite. Après de longues heures au volant, j’ai retrouvé Hervé. Nous avons passé une soirée tranquille avant une bonne nuit de repos.

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La matinée du vendredi 6 mai s’est très bien passée, le vent était très instable et assez faible, mais j’ai pu naviguer sans problème. J’utilisais alors la plus grande de mes deux ailes, celle de 16m² d’envergure préconisée pour les vents plus faibles.

Puis vers midi plus rien… Le vent est totalement retombé.  Avec Hervé, nous en avons alors profité pour grignoter un morceau et faire une petite sieste dans nos véhicules respectifs. Vers 17h le vent s’est remis à souffler, cette fois un peu plus fort mais toujours avec aussi peu de constance.

Nous nous sommes donc activé pour préparer notre matériel. Pour ma part, j’ai sorti ma deuxième aile, une Océan Rodéo de 10m² monté en 5 lignes que je m’étais récemment offerte. Comme à chaque fois, je m’applique car je sais que le montage de l’aile est une étape très importante pour naviguer dans de bonnes conditions.

Hervé m’a aidé pour décoller mon aile que j’ai ensuite placée au zénith.

Je ne me souviens de cette journée que jusqu’à ce moment là. Pour les souvenirs de ce qui c’est ensuite passé, c’est Hervé qui me les a racontés.

C’est quelques secondes après le décollage de l’aile, au moment où j’allais prendre ma planche, qu’une grosse rafale a commencé à m’emporter. J’ai d’abord atterri dans les barrières qui protégent la dune, je me suis donc accroché à ces bouts de bois tout en essayant de redresser ma voile qui s’était mise en pleine fenêtre. Je n’ai rien pu faire. En une fraction de seconde, les barrières ont cédé et je me suis envolé, éjecté par la rafale comme un bouchon de champagne. Ma voile m’a traîné par-dessus la dune et m’a fait raser le parking de l’autre coté. Malheureusement, sur cette trajectoire il y avait une femme de planchiste, un enfant et un poteau que j’ai percuté successivement.

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L’enfant s’en est tiré avec plus de peur que de mal. Le plus difficile pour moi maintenant c’est de me dire que j’ai blessé gravement cette dame qui est restée plus de trois jours dans le coma. Je n’ai plus de nouvelles d’elle aujourd’hui. Je sais seulement que comme moi, elle a du suivre une rééducation dans un centre et que désormais elle a rejoint chez elle son mari et ses jeunes enfants. Ce sont les assurances et leur bataille juridique qui malheureusement nous informerons de son état.

Pour le reste, il y a deux grandes questions que je me pose encore…La première, c’est pourquoi je n’ai pas déclenché la sécurité de mon aile lorsque j’étais coincé dans ces barrières, et ma seconde interrogation concerne le choc… Comment ai-je pu m’abîmer la moelle épinière vue l’épaisseur dorsale de mon harnais ?

Hervé aussi s’est posé toutes ces questions.

Les seules réponses que l’on ai pu trouver, c’est que tout s’est enchaîné trop vite…Je n’ai sans doute pas eu le temps de réagir et j’ai sûrement du penser que je pourrais redresser mon aile à la force des bras. Ce n’était pas la première fois que je me trouvais face à cette situation et jusqu’à ce jour je m’en étais toujours tiré pour replacer mon aile au zénith. Cette fois là, la rafale était trop forte et le vent a gagné la partie.

Et pour le choc, après avoir tourné les terribles images de l’accident dans tous les sens, Hervé a pensé que la boucle de mon harnais (sur le devant) avait tapé tellement fort le sol que le choc est allé jusqu’à la colonne vertébrale. Avant ça, j’avais perdu connaissance en percutant la femme ou l’enfant. De ce fait, mes muscles, notamment les abdominaux, se sont relâchés et la boucle métallique du harnais n’a pas eu de peine à venir frapper le fond de mon abdomen.

Quoi qu’il en soit, mon état n’était pas fameux lorsque Hervé a rejoint le parking. Il a su me donner les premiers soins d’urgence et me ranimer tandis que d’autres s’affairaient autour de cet enfant et de cette femme inanimés. Les secours n’ont pas mis longtemps à nous embarquer. L’ambulance qui m’a pris en charge est allée en direction de l’hôpital militaire de Toulon.

J’ai été opéré dans la nuit. Le verdict était pourtant tombé aux vues des examens que les médecins m’avaient fait passer. Seulement il fallait agir vite pour consolider ma colonne à l’aide de plaques métalliques (que je porte encore dans le dos) et limiter les dégâts.

Depuis plus de 5 ans que je pratique le kite, je pensais avoir un niveau suffisent pour naviguer sur ce spot très réputé pour la planche à voile mais qui nécessite un très bon niveau pour la pratique du kitesurf à cause de sa petite plage et de sa grosse fréquentation.

Quoi qu’il en soit, la fracture de la moelle s’est faite au niveau D12, L1, me retirant ainsi l’usage de mes jambes.

S’en sont suivis dix jours post-opératoires à Toulon. Je ne me souviens de rien du tout de ces dix jours. Les doses de morphines devaient être importante. Pourtant la famille et les amis sont venus nombreux me rendre visite.

Ensuite, je suis remonté vers Lyon (aux jours où la douleur était insupportable). J’ai intégré le centre de rééducation Henri Gabriel à Saint Genis Laval. C’est ici qu’a commencé l’apprentissage du fauteuil et de tout ce qui sera mon nouveau quotidien avec les kinés du centre. J’y suis resté plus d’un mois avant de me faire transférer dans un autre centre à St Hilaire du Touvet près de Grenoble. J’en avais fait la demande auprès du médecin de Henri Gabriel. Le mois d’août arrivait et tant qu’à travailler avec de nouveaux kinés, je préférais changer de centre pour me rapprocher de mon élément : la montagne.

Le Centre de Saint Hilaire offrait une vue imprenable sur les massifs de Belledonne et de la Chartreuse. Presque tous les jours je voyais voltiger des parapentes au-dessus de ma tête (ce qui n’a fait que nourrir mon intérêt pour cette pratique de haut vol) et j’ai découvert là-bas une ambiance plus jeune et plus sportive.

Je suis sorti du centre le 2 septembre. Ma rééducation a été exceptionnellement très courte (on y passe normalement 4 à 6 mois) mais bien suffisante. Ma liberté retrouvée, j’ai commencé de nouveaux projets… Du travail à la Plagne pour la prochaine saison d’hiver, des voyages, de nouveaux moyens de locomotion, l’association Magic Bastos, et une fête à la clé qui a eu lieu le 1er octobre et qui a rassemblé une bonne partie des personnes qui m’ont soutenu sur ces épreuves…

 Journal au lendemain de mon accident

journal du 7 mai 2005